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1. Qu’est-ce que l'alcoolisme ?
« Pourquoi elle dit qu'elle a pas bu, ma mère,
alors que tout monde sait que c'est pas vrai ! »
(Marine, 14 ans)
L’alcoolisme est l'incapacité de s'arrêter
de boire de l'alcool.
L'alcoolisme n’est lié ni à la
quantité, ni au type de boissons alcoolisées
consommées, ni à l'état d’ivresse de la personne; il est
lié à la capacité ou non qu'a la personne de s'arrêter de
boire.
Bien qu'elle en souffre ou en fait
souffrir les autres, une personne alcoolique ne peut
s'empêcher de boire de l'alcool.
La personne alcoolique est ainsi dépendante* de
l'alcool.
Il peut paraître étonnant que la persone
alcoolique :
- continue de boire malgré les
problèmes engendrés par ses consommations (conflits avec
son entourage familial, professionnel, problèmes de
santé, problèmes financiers, etc.)
- boive souvent en cachette
- puisse ne pas être ivre
- ne reconnaisse pas son problème de
dépendance (déni*)
- accepte difficilement les soins et
l’aide
- pense pouvoir s’en sortir seule
- doive « toucher le fond »
pour envisager d’arrêter.
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2. Qu’est-ce que la dépendance ?
« Pourquoi quand il commence à boire,
on ne sait pas quand ça va s’arrêter. »
(Seb, 13 ans)
Après une période d'alcoolisation
régulière, la personne ne peut plus se passer du produit,
elle en est dépendante.
Le corps s'est habitué à fonctionner avec une certaine
quantité d'alcool qui lui est devenue indispensable. L'accoutumance* à l'alcool
nécessite d'augmenter les doses pour obtenir les mêmes
effets . En cas d'arrêt ou de consommation
insuffisante, des symptômes apparaissent. C’est à
l'apparition de ces symptômes que se repère l'état de
dépendance. On parlera alors de signes de sevrage*
ou de manque*.
Sans un traitement adéquat, le syndrome de sevrage peut
provoquer une crise d'épilepsie, voire, dans les situations
les plus graves, un delirium tremens*
exigeant une intervention médicale urgente.
Au niveau psychologique, la privation d'alcool chez une
personne dépendante entraîne un état d'anxiété, d'angoisse,
de nervosité, d'irritabilité, d'agressivité, etc.
Ce phénomène de dépendance rend compte de l’impossibilité de
s’arrêter de boire malgré la volonté présente chez les
personnes alcooliques. Elle met en évidence la nécessité
d'un accompagnement médical et psychologique.
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3. Quels sont les effets de l’alcoolisme ?
« Je comprends rien, il n’est pas
saoul mais il est bizarre ! »
(Maud, 13 ans)
Les effets de l'alcool sont variables.
L’alcool peut être euphorisant, désinhibant, excitant,
calmant, enlever la timidité, le stress, l’angoisse mais
aussi rendre dépressif, agressif ou violent. Il peut donner
un sentiment de toute-puissance. Toute consommation
excessive et régulière d'alcool conduit à des comportements
inadéquats.
Progressivement, le rapport à la réalité se modifie. La vie
de la personne alcoolique s'organise de plus en plus autour
de l'alcool devenu indispensable : chercher
l'alcool, le consommer, le cacher,... sont prioritaires au
détriment des activités sociales, familiales,
professionnelles ou de loisirs.
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4. Est-ce une maladie ?
« Mon père dit qu’il est malade,
il suffirait pourtant qu’il arrête de boire. »
(Max, 15 ans).
« Tout le monde lui dit qu’il n’a qu’à arrêter,
mais je vois bien que c’est plus compliqué
que cela, je crois qu’il est malade. »
(Maureen, 16 ans).
Sous différents aspects,
l'alcoolisme est « comme une maladie ».
Il se traite mais ne se guérit qu'exceptionnellement. En
effet, la seule possibilité de sortir de l'alcoolisme semble
être l'abstinence* totale (régime
sans alcool).
Les médicaments peuvent aider. Ils peuvent diminuer l'envie
de boire, agir sur le mal-être, sur la dépression qui
accompagne souvent l'alcoolisme, ou agir sur d'autres
troubles , comme l'anxiété, les insomnies... Mais ils ne
suffisent pas.
Le traitement de l'alcoolisme nécessite impérativement un accompagnement
médical mais aussi un soutien psychologique. Le plus souvent
un sevrage* en
milieu hospitalier sera proposé au patient afin d'associer
un traitement médical (pour atténuer les symptômes dus à
l'arrêt d'alcool) et soutien par une équipe spécialisée.
(Cf. qu'est-ce que la dépendance ?)
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5. En guérit-on ?
« Ma mère dit qu’elle peut arrêter de boire
quand elle veut, mais je ne la crois pas. »
(John, 13 ans)
« Papa a arrêté de boire depuis 6 mois.
J’ai peur de la fête du nouvel an : Il a dit
qu’il prendrait du champagne comme tout le monde. »
(Sandrine, 16 ans)
Très rares sont les personnes qui, ayant
souffert d'alcoolisme, pourront reprendre une consommation modérée
d'alcool. La seule possibilité de sortir de l'alcoolisme
semble être l'abstinence totale. Même après une longue
période d’arrêt, le risque de redevenir dépendant reste
présent. C’est comme si le cerveau avait gardé en mémoire le
souvenir de l’alcool et qu’il reprenait les anciens
mécanismes d’appel à boire. La rechute*
peut arriver très vite. L’abstinence*
est alors la seule solution.
Toutefois, cette abstinence n’est pas l'unique objectif :
la guérison nécessite de trouver une autre solution que
l’alcool pour « gérer » sa vie. Une thérapie peut
notamment aider à répondre à certaines questions :
Pourquoi la personne recourt-elle à l’alcool ?
Quelle fonction a-t-il pour elle ? ...
L’entourage de la personne alcoolique (conjoint, frères et
soeurs, enfants devenus adultes...) est précieux par sa
présence et son soutien. Il ne peut cependant ni guérir, ni
soigner.
Arrêter de boire prend du temps: les
rechutes font souvent partie du parcours.
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6. Quelles sont les conséquences de l’alcoolisme ?
« Il dit qu’il a toujours beaucoup bu et
que cela n’a aucun effet sur lui. »
(Adrien, 13 ans)
« J’entends tout de suite à sa voix quand elle a bu
et elle ne s’en rend même pas compte. »
(Anne-Laure, 12 ans)
L’alcoolisme a des conséquences physiques,
psychologiques et sociales qui varient d’une personne à
l’autre.
Ces conséquences touchent également la famille confrontée
aux divers troubles du comportement de la personne
alcoolique. L'entourage est démuni face à cette
problématique souvent déniée* par
la personne elle-même.
Outre les symptômes liés à l'ivresse (pertes d’équilibre,
élocution peu claire, tremblements,…), la consommation
régulière d'alcool entraîne des problèmes physiques, provoque
des atteintes organiques (foie, pancréas, cerveau,…) et
neurologiques (troubles de la mémoire et de
l'attention). A la longue, l'état de santé de la personne
alcoolique se dégrade et ce, même si les symptômes ne se
manifestent que tardivement, parfois trop tard pour être
encore traités. Dans des cas extrêmes, l’alcoolisme entraîne
la mort.
La personne alcoolique présente également des changements
d’humeur : une irritabilité (se fâcher ou
s’énerver très vite), un état dépressif (tout voir en
noir, ne plus avoir envie de rien), de l’anxiété (peur
non justifiée, inquiétude, panique), une labilité de
l’humeur (passer du rire aux larmes), ...
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7. À qui la faute ?
« Ma mère dit que nous sommes les clous
de son cercueil et que c’est pour cela qu’elle boit. »
(Jeanne, 11 ans)
« Si j’avais pu l’aider, peut-être
qu’il s’en serait sorti. »
(Martin, 13 ans)
L’entourage se sent souvent fautif face à
un proche qui boit. Mais le sentiment inverse est aussi
fréquent. La personne qui boit est également considérée
comme fautive par son entourage. Chacun accuse alors l'autre
et le culpabilise. Face à une personne qui ne s'arrête pas
de boire, la colère peut aussi prendre le dessus.
Au départ, la personne alcoolique accusée se défend en
disant qu’elle ne boit pas ou si peu (déni*),
que l’alcool lui fait du bien, que c’est de la faute des
autres notamment des proches (sa femme, son mari, ses
enfants, ses collègues,...), que c’est suite à un événement
douloureux : chômage, deuil … Cet événement n’explique
pas tout. (Cf. Pourquoi devient-on alcoolique ?
A qui la faute ? Cette question se pose de manière
quasi inévitable. Elle n'aide néanmoins ni à comprendre ni à
résoudre le problème. La personne souffrant d'alcoolisme
n'est pas fautive, mais elle seule peut prendre la décision
de se soigner. Personne ne peut le faire à sa place, et
certainement pas ses enfants.
Mais il faut souvent du temps pour qu’elle puisse en prendre
conscience. Et même à ce moment, la volonté ne suffit pas.
(Cf. Est-ce une question de volonté ?
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8. L’alcoolisme est-il héréditaire ?
« Mon père et mon grand-père étaient alcooliques,
est-ce que je vais le devenir ? »
(Johan, 12 ans)
« Ma mère dit que c’est dans les gènes et
que je vais le devenir comme elle, on n’y peut rien ! »
(Mathilde, 16 ans)
Quelle que soit l'hérédité, il est
impossible d'évaluer le risque de devenir alcoolique.
Certaines études scientifiques mettent en évidence la
possibilité d'une transmission héréditaire de la sensibilité
à l'alcool. Toutefois, en aucun cas cette sensibilité ne
suffit à pré-déterminer un « devenir alcoolique ».
Chacun doit donc rester attentif au
rapport qu'il entretient avec les boissons alcoolisées. Deux
facteurs sont déterminants dans le devenir alcoolique :
- la personne elle-même : son
caractère, sa personnalité, ses ressources, ses
faiblesses, …
- l’environnement : l’influence
du milieu familial, social, scolaire, professionnel, ...
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9. Si quelqu'un est ivre, est-il pour autant alcoolique ?
« J’ai déjà vu des gens ivres dans la rue :
ils crient, ils chantent, ils titubent…mon père
n’est pas comme ça quand il boit. »
(Laura, 11 ans)
NON. L'ivresse
désigne l'état, plus ou moins aigu, d'une personne qui a
abusé d'alcool. Or, un abus d'alcool peut survenir
ponctuellement et ne fait pas de quelqu'un un alcoolique :
une « cuite » après une soirée bien arrosée avec
des copains ne signifie pas qu'une personne souffre
d'alcoolisme. Celui-ci suppose une consommation régulière
(quotidienne) d'alcool associée à l'impossibilité de
contrôler ses consommations, c'est la dépendance*. L'ivresse ne doit
néanmoins pas être banalisée. Ses effets sont parfois
dangereux : accident de voiture, dispute, coma
éthylique, ... Il faut y être attentif.
A contrario, une personne alcoolique peut, pendant un temps,
ne présenter aucun des symptômes de l'ivresse, même si son
corps est sous l’effet de l’alcool. Cela s'explique par le
phénomène d'accoutumance*,
d'adaptation de l'organisme à l'alcool.
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10. Peut-on en mourir ?
« Mon père dit que boire
c’est un suicide lent, parce que,
lui, il a le temps. Cela le fait toujours
rire. Moi, pas ! »
(Geoffroy, 14 ans)
Une personne alcoolique peut mourir de son
alcoolisme si elle présente un coma éthylique*
dû à une prise massive d’alcool ou un délirium tremens*
dû à un sevrage* brutal. Dans ces
deux situations, il faut conduire d’urgence la personne à
l’hôpital.
De plus, une consommation excessive et répétée d’alcool
atteint progressivement les organes vitaux : le foie,
le cerveau, ... ce qui, à terme, peut entraîner la
mort.
Le risque de mortalité varie selon :
- la résistance physique
- le mode de consommation régulier ou
excessif
- les quantités et le degré d’alcool
ingérés
- la capacité de la personne à se faire
aider
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11. Pourquoi devient-on alcoolique ?
« Ma mère dit que c’est à cause
de mon père qu’elle boit ! »
(Sandrine, 12 ans)
« Mon père boit depuis qu’il a
perdu son boulot. »
(Sébastien, 15 ans)
Certaines personnes présentent une
fragilité psychologique ne leur permettant pas d'affronter
les événements difficiles de la vie : une séparation,
un problème professionnel, un conflit,... Ils cherchent
alors un recours dans l'alcool qui, dans un premier temps,
atténue leur détresse.
Il est complexe d’expliquer le pourquoi d’un tel
comportement. Il ne s’agit pas tellement des
événements de l’histoire de la personne mais plutôt de la
façon dont elle les a traversés, ressentis,... Cela peut
renvoyer aux tout premiers moments de la vie :
- Quelle place la personne a-t-elle eue
dans sa famille ? Comment la vivait-elle ?
- Quelle image a-t-elle pu avoir d’elle ?
Quelle était l’image attendue ?
- Comment a-t-elle été préparée à vivre
les émotions, le manque, la frustration, les réussites… ?
- Quels liens affectifs a-t-elle
pu nouer avec ses parents, ses frères et sœurs ?
- Quelles ont été les personnes
importantes, positives ou négatives ?
- …
La personne alcoolique éprouve souvent des difficultés à
parler d’elle, de ses émotions, et de ses sentiments ;
elle supporte mal les frustrations. L’alcool peut lui donner
l’illusion de pouvoir gérer son mal-être même si c'est à ses
dépens.
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12. Pourquoi l’alcool ?
« Pourquoi est-ce que mon père
s’est mis à boire,
il aurait pu trouver autre chose, non ? »
(Joël, 13 ans)
« Avant, ma mère prenait des médicaments,
maintenant elle a rajouté l’alcool, c’est pire ! »
(Christophe, 14 ans)
L’alcool, par son action chimique, a un
effet sur le corps et le psychisme.
Il est recherché car il donne l'illusion de mieux gérer le
stress, la timidité, l’angoisse, la peur ainsi que les
émotions positives telles que la joie, le plaisir,…. Il lève
également les inhibitions : l’alcoolique ne se sent
plus retenu dans ce qu’il fait ou dit. C’est l’effet
désinhibant de l’alcool qui donne une illusion de puissance.
L’alcool aide aussi à se calmer ou à dormir (même si pour
certains, l'alcool a l'effet inverse, c'est un excitant). Il
peut rendre joyeux dans un premier temps (euphorie),
modifier la réalité en la présentant sous un jour meilleur,
mais irréel. De plus, il est toujours disponible (on peut en
acheter à toute heure du jour et de la nuit).
L’alcool peut donc être perçu, l'espace d'un moment, comme
une solution à tout mais avec les conséquences désastreuses
que nous connaissons.
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13. Quand quelqu’un est-il alcoolique ?
« Dans le café où mon père va
tous les jours, il y en a beaucoup
qui boivent, mais ils ne sont pas
tous alcooliques. »
(Alain, 11 ans)
« Ma mère dit qu’elle ne
boit qu’un tout petit peu,
est-ce qu’elle est alcoolique ? »
(Julie, 11 ans)
L’alcoolisme ne dépend ni des quantités ou
du degré d’alcool ingurgités, ni de la fréquence des
consommations, … Par exemple, quelqu’un qui boit beaucoup
lors d’une soirée et qui a un accident de voiture n’est pas
nécessairement alcoolique.
Nous parlons d’alcoolisme lorsque quelqu’un ne sait plus se
passer d’alcool (Cf. Qu'est-ce que la dépendance),
qu’il doit en consommer toujours plus pour avoir les mêmes
effets (accoutumance*).
Cela vient progressivement et souvent ne se remarque pas
avant un certain temps.
La personne alcoolique peut ne pas reconnaître son
alcoolisme (déni*) et
fonctionner en apparence normalement. Il est fréquent
qu’elle consulte son médecin pour des problèmes telles que
l’hypertension, l’insomnie, l’anxiété, la dépression, ...
sans pour autant faire le lien avec ses consommations
d’alcool.
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14. Pourquoi l’alcoolique ne veut-il pas se soigner ?
« Mon père ne veut pas aller
chez le médecin, il dit qu’il sait
s’en sortir seul, mais cela va
de plus en plus mal ! »
(Adrien, 14 ans)
« Il est allé une fois chez les A.A.*,
et il a dit qu’ils étaient tous
malades et qu’il n’avait rien à faire là ! »
(Jérôme, 12 ans)
Pour se soigner, pour demander de l’aide,
il faut d'abord reconnaître que l’on a un problème. Or, la
non-reconnaissance du problème, le déni* de
la consommation d'alcool, est fréquent chez la personne
alcoolique.
Pourquoi ? Car le problème est d'abord une
solution pour la personne alcoolique qui, grâce à l'alcool,
évite d'être confrontée à son mal-être. Elle minimise alors
inconsciemment son problème. Arrêter l'alcool signifie pour
elle de lâcher « sa solution », ce qui suscite généralement
plus d’anxiété et risque d’entraîner de nouvelles
consommations. C’est un cercle vicieux. La personne
alcoolique ressent souvent de la honte envers sa dépendance
qu'elle vit telle une déchéance ; d'où sa tentative de
cacher cette réalité traumatique tant aux autres qu’à
elle-même.
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15. Est-ce une question de volonté ?
« On dit toujours que celui qui veut,
peut, c’est donc que mon père ne
veut pas s’il continue à boire ! »
(Cynthia, 17 ans)
« Ma mère dit qu’elle peut s’arrêter
quand elle veut, mon œil ! »
(Arnaud, 15 ans)
Quand une personne est alcoolique, elle ne
sait plus se passer de l’alcool. Elle en est dépendante.
Cette dépendance* est physique et
psychologique et doit être traitée (Cf. Est-ce une maladie ?).
La personne alcoolique est donc partagée entre d’une
part le désir de continuer à boire parce que c’est la seule
solution qu’elle ait trouvée, et d’autre part l’envie de ne
plus subir les conséquences négatives de l’alcool tant pour
elle que pour son entourage.
La personne alcoolique est toujours responsable d’elle-même.
Il n’y a qu’elle qui puisse décider de s’en sortir. C’est
elle qui devra demander de l’aide.